Certains pourraient croire que le PMU a existé de tout temps et que Ben Hur a remporté le Prix de l’Arc de Triomphe. Si vous-même, vous savez que c’est faux, connaissez-vous vraiment l’incroyable histoire des paris hippiques ? En voici un récit dans cet article.
Les débuts du turf
Les courses hippiques et avec elles les paris pourraient bien dater de plusieurs millénaires avant J.C. en Asie centrale selon les historiens. Si l’existence de prises d’enjeux à l’époque reste une conjecture, elle est un fait établi lorsqu’en 638 avant J.C., les courses de chevaux sont intégrés aux Jeux Olympiques des Grecs.
Elles se pratiquaient alors quasi-uniquement sur des chars tirés par 2 ou 4 chevaux, dont le sulky actuel reste une survivance. A cet époque où l’abondance matérielle ne concernait que les privilégiés, la possession de chevaux était un luxe réservé à l’aristocratie.
D’abord une affaire religieuse menée à bien par de jeunes aristocrates, telle celle du chant 23 de l’Illiade, la course hippique finit par devenir un spectacle populaire profane. Le public des cirques, les premiers hippodromes, soutient ardemment ses champions.
Cette popularité s’explique par les dangers courus. On songe parfois aux essieux prolongés par de longues piques servant à briser les roues des chars adverses ou à blesser les chevaux, mais leur usage (d’ailleurs plutôt rare au cirque) est loin d’être la seule cause de mortalité. La plus importante reste le virage très serré en bout de piste où les moins habiles renversent leur char. Tous les coups étant permis, les coureurs sans scrupules cherchent à le faire manquer par les adversaires. Les moins chanceux s’y écrasent ou finissent piétinés ou traînés dans le sable. De plus, les suivants parviennent rarement à éviter de foncer dans les débris et peuvent périr à leur tour. Ceux qui survivent plusieurs années voient par contre des statues érigées en leur honneur… Le plus exceptionnel pratiqua 24 ans, un certain Dioclès qui remporta près de 1 500 victoires sur environ 4 000 courses courues.
Les courses sont bien plus longues qu’aujourd’hui : 7 tours de piste, soit environ 7,5 km, contre entre 1 500 et 5 000 mètres. Traditionnellement, chaque cocher appartient à un parti ou “factione” ayant une couleur, chacune d’elle représentant une saison (par exemple le bleu pour l’hiver). Parier sur une couleur était ainsi absolument commun, et l’on misait exceptionnellement sur un cocher célèbre. Ce genre d’enjeu ressemble ainsi plutôt à un pari sportif sur une équipe qu’au turf tel que nous l’entendons aujourd’hui avec Tiercé, Quarté, Quinté…
A noter que les jeux d’argent et de hasard étaient interdits par la loi à Rome, loi que pourtant personne ne respectait… L’on pouvait ainsi miser quelques sesterces entre amis ou auprès de citoyens louches s’étant fait de la prise de paris une spécialité : les ancêtres des bookmakers.
Une longue période de déclin
L’essor du pari hippique s’est construit sur le recul du religieux. L’expansion du christianisme en Occident sonna la fin des jeux romains et des courses au cirque en particulier pendant plusieurs siècles.
La tradition survécut seulement dans l’Empire Byzantin où elles restèrent très nombreuses, et pour certaines organisées avec un grand faste par exemple lors de l’anniversaire de l’empereur. Les factions des Bleus et des Verts ont fini par devenir les deux seules existantes et suscitèrent bien des passions, comme en témoigne le massacre de Nika qui causa la mort de 80 000 “supporters”.
Car au-delà des jeux, soutenir un parti revenait à soutenir des opinions politiques. C’est exactement comme si aujourd’hui, les supporters du PSG et de l’OM étaient les-uns de droite et les autres de gauche, et qu’ils faisaient pression sur le gouvernement jusqu’à causer des émeutes sanglantes. Dans de telles conditions, les paris se prenaient dans l’anarchie la plus totale.
Avec le déclin progressif de l’économie et de la population et les invasions Arabes, le nombre de courses hippiques commença à diminuer au cours du VIIIème siècle. Elles cessèrent totalement à partir du 12 avril 1204, lorsque Byzance tomba sous le contrôle des occidentaux.
La renaissance britannique
L’interdiction religieuse, légale et morale des paris sur les courses hippiques dans un Occident chrétien n’empêchait naturellement pas l’organisation de rencontres sans paris. L’aristocratie conserva son amour des chevaux et l’on estime qu’au XIIème siècle, l’élevage sélectif a abouti aux 2 races principales de chevaux de courses : le pur-sang arabe et le pur-sang anglais.
C’est en Angleterre que la passion est poussée le plus loin, puisque les souverains commencent à organiser des courses hippiques privées. En 1611 est créé le 1er hippodrome moderne à Newcastle ; 100 ans plus tard, la Reine Anne fit des courses un sport officiel. Progressivement, elles deviennent le sport à la fois le plus chic et le plus populaire.
En 1750, la création du Jockey Club à Newmarket fut décisive. L’un des objectifs de ce club de “sportsmen” très élitiste a été d’élaborer la première réglementation concernant la généalogie des chevaux et les courses. Le General Stud Book fut rédigé afin de servir de référence en termes de races acceptées lors des rencontres, à savoir uniquement celles descendant des 3 étalons “foundation sires” :
- Byerley Turk pour les pur-sang anglais
- Darley Arabian pour les pur-sang arabes
- Godolphin Arabian, également pour les pur-sang arabes
Il faut savoir que le Jockey Club s’est décliné en France en 1824 sous l’impulsion de la Société d’encouragement pour l’amélioration des races de chevaux. Cercle privé de renommée mondiale, ses 1 150 membres sont la plupart descendants de l’ancienne aristocratie ou de grands industriels.
La formalisation des règles concernant les races et les courses fut une étape indispensable à celle des règles de paris, jusqu’alors pris de manière informelle.
Le tournant du pari mutuel
Avant même l’apparition du PMU, le concept de pari mutuel naissait en 1857 à l’hippodrome de Longchamp. A cette époque, 2 types de paris étaient monnaie courante :
- “à la poule”, ressemblant à une loterie : le parieur paye la mise, reçoit au hasard un ticket avec un numéro de cheval et récolte la cagnotte si celui-ci remporte la course
- “au livre”, c’est-à-dire avec une cote fixe inscrite dans un livre, comme le rappelle le terme anglais “bookmaker” (littéralement “faiseur de livres”)
Le hasard lié au premier et l’intéressement des bookmakers dans le second étaient sources de nombreuses contestations et arnaques. Joseph Oller créa alors un système basé sur la mutualité des mises où les parieurs ne jouent ni au hasard, ni contre le bookmaker. L’organisation des paris devient ainsi pour la première fois indépendante de l’issue des courses. Les cotes sont désormais relatives aux mises des joueurs et non plus aux seuls bénéfices du bookmaker.
Novatrice à l’époque, l’idée ne fut pas immédiatement comprise et la cour d’appel condamna les agences de pari mutuel en 1874 comme des maisons de jeu de hasard illégales, livrant le marché aux seuls bookmakers. Mais 2 juin 1891, la loi qui les autorise est promulguée et elle en fait même le seul mode de pari sur les courses légal en France. L’Etat garde le contrôle des budgets et des comptes qui y sont relatifs.
Une autre étape juridique importante fut franchie avec la loi du 12 mars 1930 autorisant la prise de paris hippiques en dehors des hippodromes. C’est un tel cadre qui a permis de populariser pleinement le turf, pouvant désormais se pratiquer dans ce qui deviendront les bars PMU.
Quant au PMU lui-même, il naît le 2 mars 1931 lors d’une réunion à Vincennes. Il s’impose immédiatement comme un acteur incontournable et n’a perdu son monopole qu’en 2010, à l’occasion de la loi sur la régulation des jeux d’argent en ligne (dossier spécial la concernant ici). A l’origine, seuls 2 paris étaient possibles :
- vainqueur d’une course
- les 2 premiers arrivés
En 1954, le PDG André Carrus fait franchir à l’entreprise un pas décisif en organisant de manière ingénieuse le traitement des paris (il sera informatisé en 1987). Ce nouveau système permet un élargissement de la gamme d’enjeux, incluant les notions d’ordre et de désordre. Le Tiercé est créé la même année et devient une marque phare du PMU ainsi qu’un symbole populaire français. Le Quinté + apparaît quant à lui pour la première fois en 1989, puis devient un rendez-vous quotidien dès 2004.
Dans les années 2000, le turf prend le virage de l’Internet. Bien négocié par le PMU, celui-ci doit néanmoins faire face à de nouveaux concurrents comme ZeTurf ou Genybet, et surtout à des bookmakers en ligne cherchant à s’imposer tel Betclic. Les turfistes peuvent quant à eux accéder plus simplement au calendrier des courses, miser et suivre celles-ci en direct depuis leur PC ou leur smartphone.
Sources et prolongements :
– La rubrique “Histoire de l’hippisme” de RTL
– Les grandes dates du PMU (site institutionnel)
– Exposition permanente sur l’histoire des courses hippiques à Maison-Lafitte
– Histoire des paris sportifs